L’italien Archistar construit le centre culturel Jean-Marie Tjibaou en bois d’iroko, technologie et tradition dans une relation symbiotique étroite.

Après avoir vu les travaux aujourd’hui, il n’est pas difficile d’imaginer pourquoi le célèbre architecte italien Renzo Piano a remporté, au début des années 1990, le concours national pour la construction d’un centre culturel visant à préserver la culture indigène kanaki, voulu par le président français de l’époque. François Mitterrand, suite à l’assassinat du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou, survenu le 4 mai 1989.

Entre 1995 et 1998, le Centre Culturel Jean-Marie Tjibaou est né à Numea, en Nouvelle-Calédonie, colonie française depuis 1864, symbole et fidèle gardien de l’histoire et de la tradition locale, tant par sa vocation que par sa structure architecturale. Le chantier, choisi avec la communauté Kanaki, est une île paradisiaque baignée à l’est par l’océan Pacifique et à l’ouest par la mer de Corail, où règne à juste titre la beauté écrasante de la nature.

Ce qui n’était vraiment pas facile à imaginer, c’est la facilité passionnante avec laquelle un complexe architectural de 10 unités (la plus haute mesurant 28 mètres), qui s’étend sur une superficie d’environ 8 hectares, pouvait se fondre et se mêler à la nature et au paysage environnant. . Ce que Piano a réussi à démontrer avec cette œuvre grandiose, c’est précisément l’osmose symbiotique qui peut naître entre l’architecture et le milieu environnant lorsque la tradition et la culture du lieu sont pleinement respectées sans oublier les connaissances technologiques mises au service de l’homme – bâtisseur, créateur, architecte -, permettant l’isolation énergétique, la réduction des déperditions thermiques et la réduction des émissions de polluants dans l’atmosphère. Une « ville durable », intégrée à une bonne architecture, dans une partie du territoire le plus intact et riche d’une culture populaire vibrante.

On se retrouve donc devant 10 unités, qui ne sont que des reproductions des grandes maisons Kanaké, et qui sont regroupées en 3 sections ou villages distincts, comme dans la véritable tradition indigène. La première section, destinée à l’objet d’exposition du projet, contient des unités dans lesquelles sont racontées la culture et l’histoire kanak, avec l’exposition d’œuvres d’artistes maoris, papous et calédoniens. Bureaux, auditorium et bibliothèque se rejoignent le long de la deuxième section du village tandis que la troisième est dédiée aux activités créatives, telles que la danse, la musique, la peinture et la sculpture, et comprend également une école maternelle. En total accord avec la réalité des autochtones, les unités sont donc de véritables « cabanes », réalisées avec des nervures et des lattes de bois d’iroko, importé du Ghana, qui demande peu d’entretien et est très résistant à l’humidité et aux insectes. Une promenade piétonne immergée dans la végétation tropicale relie les 3 villages, soulignant comment les « coquilles » apparemment archaïques qui composent le complexe se marient parfaitement avec les pins colonnaires et les merveilleux espaces verts présents tout autour.

Le vent est capté pour ventiler les espaces intérieurs grâce à la disposition millimétrique des dix cabanes, partiellement perforées, contribuant à une situation de climatisation naturelle qui permet une parfaite économie d’énergie. Les portes et les lucarnes régulent les flux d’air explosifs, reproduisant le bruissement des arbres et réduisant la température de la surface extérieure de plus de 50 %. Même l’orientation même des murs convexes des bâtiments, tous orientés vers le nord, permettant la surchauffe des surfaces, favorise le déclenchement de la circulation de l’air.

Tout cela met en évidence à quel point le bois n’est pas seulement un composant esthétique mais représente avant tout un élément fonctionnel : le caisson, structure porteuse du bâtiment, devient un élément de fermeture visant à réguler les flux d’énergie liés au passage de la chaleur, à la transmission de la lumière et à la protection contre le rayonnement solaire. Une synergie complète entre les éléments naturels de l’environnement lui-même et les technologies de pointe.

En plus du bois, des matériaux tels que le corail et la pierre, des éléments en fonte d’aluminium, l’acier inoxydable, ainsi que le béton et le verre ont été utilisés, capables de garantir des échanges de chaleur et de lumière toujours en accord avec les exigences esthétiques raffinées et la complexité des détails.

Une autre caractéristique que l’on saisit immédiatement face à cette œuvre architecturale est la sensation d’un « chantier encore en cours ». Un aspect « inachevé », que l’architecte Renzo Piano lui-même explique ainsi sur le site officiel de l’ADCK (Agence de développement de la culture kanak) :

J’ai compris que l’une des caractéristiques fondamentales de l’architecture Kanac est le chantier. « Faire » est aussi important que « terminer ». J’ai donc pensé à développer l’idée d’un chantier permanent, ou plutôt d’un lieu aux allures de chantier inachevé.

Un bâtiment plein de sens dans lequel la vision poétique et humaniste de l’œuvre est intrinsèque à l’utilisation de technologies de pointe. Les matériaux modernes sont utilisés avec des matériaux traditionnels, donnant vie à une architecture capable d’exploiter pleinement les ressources naturelles du lieu, en respectant ses lois et en mettant en valeur sa beauté.

Expliquez toujours le plan :

(..) le choix de la technologie est implicite dans le choix du bâtiment. Je trouve que dans une époque avancée comme la nôtre, dans laquelle des matériaux avec des niveaux de cohésion très élevés, avec un haut degré d’ouvrabilité et de maniabilité sont disponibles, il est culturellement erroné de ne pas essayer de façonner un langage architectural qui utilise ces potentiels. C’est déjà mystifiant de se poser le problème : un architecte, un constructeur, ne peut manquer d’utiliser des équipements technologiques lorsqu’il crée son projet.

Et c’est peut-être précisément le génie de Renzo Piano, qui a promu une architecture au caractère artisanal mais qui entretient la recherche de solutions de plus en plus technologiques et performantes, en les mettant au service de l’environnement dans lequel elles opèrent, dont il lui-même veut connaître son essence, son âme, pour pouvoir la raconter de la meilleure façon possible à travers ses œuvres.

« Être architecte est un métier d’aventure : un métier frontière, équilibré entre art et science. A la frontière entre invention et mémoire, suspendu entre le courage de la modernité et la prudence de la tradition. L’architecte fait le plus beau métier du monde car sur une petite planète où tout a déjà été découvert, concevoir reste encore une des plus grandes aventures possibles. »[1] [1] extrait de Giornale di Bordo, Passigli Editore 2017, page 10